Avec Le Sel et le soufre, Anna Langfus opte délibérément pour la fiction, voie royale à ses yeux pour instaurer la distance nécessaire à l’expression du traumatisme et aussi à sa réception, du côté... Show moreAvec Le Sel et le soufre, Anna Langfus opte délibérément pour la fiction, voie royale à ses yeux pour instaurer la distance nécessaire à l’expression du traumatisme et aussi à sa réception, du côté du lecteur. Or cette mise à distance passe notamment par un travail sur les impressions sensibles qui sont celles du je-narrateur, et qui expriment indirectement son expérience. Dans un premier temps, cet essai s’attache à analyser ces impressions sensibles – surtout visuelles mais également auditives et tactiles -. Elles révèlent un attachement au détail, au fragment du réel qui, au niveau de l’histoire, permet seul à l’héroïne de faire face à l’horreur ; or cette manière de centrer sur un détail – main qui se rétracte sous un coup de matraque, gros orteil sortant de la chaussette trouée d’un mort – ne joue pas seulement au niveau de l’histoire mais c’est également un procédé littéraire (celui de la synecdoque) producteur d’images capables d’exprimer indirectement l’horreur. Dans un deuxième temps, nous explorons un autre type d’impressions visuelles : celles qui sont produites par le rêve et l’hallucination, particulièrement fréquents dans le roman. Si les rêves fonctionnent de manière passablement conventionnelle, mettant à nu les désirs inconscients de l’héroïne, les hallucinations correspondent parfois à un passage à vide de l’héroïne, résultant en des images qui sont mieux à même de communiquer l’horreur que la simple narration des faits. Show less
Avec Le Sel et le soufre, Anna Langfus opte délibérément pour la fiction, voie royale à ses yeux pour instaurer la distance nécessaire à l’expression du traumatisme et aussi à sa réception, du côté... Show moreAvec Le Sel et le soufre, Anna Langfus opte délibérément pour la fiction, voie royale à ses yeux pour instaurer la distance nécessaire à l’expression du traumatisme et aussi à sa réception, du côté du lecteur. Or cette mise à distance passe notamment par un travail sur les impressions sensibles qui sont celles du Je narrateur, et qui expriment indirectement son expérience. Dans un premier temps, cet article s’attache à analyser ces impressions sensibles – surtout visuelles mais également auditives et tactiles. Celles-ci révèlent un attachement au détail, au fragment du réel qui, au niveau de l’histoire, permet seul à l’héroïne de faire face à l’horreur ; or cette manière de se centrer sur un détail – main qui se rétracte sous un coup de matraque, gros orteil sortant de la chaussette trouée d’un mort – ne joue pas seulement au niveau de l’histoire mais aussi comme un procédé littéraire (celui de la synecdoque) producteur d’images capables d’exprimer indirectement l’horreur. Dans un deuxième temps, nous explorons un autre type d’impressions visuelles : celles qui sont produites par le rêve et l’hallucination, particulièrement fréquents dans le roman. Si les rêves fonctionnent de manière passablement conventionnelle, mettant à nu les désirs inconscients de l’héroïne, les hallucinations correspondent parfois à un passage à vide de l’héroïne, résultant en des images qui sont mieux à même de communiquer l’horreur que la simple narration des faits. Show less